La fillette poussa la grille, son petit cartable balançant sur son dos, puis elle s'arrête au seuil du jardin, elle inspecta les pelouses autour d'elle, huma un instant le parfum des bais pêcha avant de marcher lentement, sur la pointe des pieds -comme pour ne pas abîmer ses mocassins cirés. Attentive, on ne sait jamais, aux granivol qu'elle aurait fait fuir en avançant. Justement, il en eut un qui s'envola. L'enfant le suivit de ses prunelles un moment, avant qu'il ne se pose, porté par le vent, sur un arbre voisin. Puis elle continua son chemin, jusqu'au pommier, devant une certaine fenêtre. Elle leva la tête, à cette fenêtre, à cette heure-là de la journée on lui souriait toujours. On lui sourit

Dix-neuf ans. Si l'on en croit les textes de loi, voilà un an que Sibylle Pevensie a atteint sa majorité. Durant cette année passé, elle aurait pu faire tant, parcourir les routes, s'inscrire à l'université, si du moins elle avait daigné passer le seuil de la porte. Immobile, allongée sur ses draps, elle fixait son plafond dans la pénombre. N'étant plus qu'un murmure, les rires et les voix avaient cessés d'agresser ses oreilles. Cinquante, cent personnes bavardaient au rez-de-chaussez. Tous là pour elle. Un rictus vint tordre son visage. Pour elle..., s'étaient-ils seulement aperçu son absence ? ce soir, elle fêtait son anniversaire. Dans la tradition familiale il était coutume que les riches parents de la demoiselle convient la famille proche comme lointaine à l'anniversaire de leur fille afin de tenir une réception des plus démesurées. Leur grand manoir se transformait alors en château de réception et, leur nombreuses pièces inoccupées devenaient des chambres à coucher grâce aux tours de mains des domestiques habiles. Petite fille, elle se sentait comme une princesse ; une belle robe, des cadeaux par centaines, une frimousse qui attirait l'attention et la tendresse de tous les gens présents. Puis, Sibylle grandit, elle se mit à se sentir comme une poupée que l'on expose fièrement dernière une vitre. A ces festivités aux allures de bal, elle peinait à reconnaître les visages, incapable de mettre un nom sur chacun d'eux. Elle n’apprenait leur nom que lorsqu'il venait lui offrir leurs présents, tous plus luxueux les uns que les autres, la complimentait sur sa tenue ou bien sur sa beauté. Les plus âgés lui annonçaient fièrement qu'elle était une femme désormais tout en rajoutant sous le ton de la plaisanterie qu'il serait temps de la marier. Les cousins avec qui elle partageait autrefois ses jeux, se contentaient de lui souhaiter un bon anniversaire froid et distant, oubliant les souvenirs d'enfance. Porter le même nom ne faisait pas de toute cette troupe d'individu une famille. Ils n'étaient qu'une masse de gens aux manières élégantes et aux tenues parfaites, ne se trouvant à cet anniversaire que pour faire de la compétition monétaire : au final tout le monde en oubliait l'âge de la jeune fille et se moquait de célébrer sa venue en ce monde. Il était difficile de croire que même au sein de sa propre famille on pouvait se sentir seul et isolé : pourtant c'était bien le cas de Sibylle qui ne supportait plus ces anniversaires. Sa demeure se transformait peu à peu en véritable prison aux yeux de la jeune fille. Elle désirait quitter ces quatre murs, sortir, disparaître, mais même une fois les invités rentrés, la musique arrêtée, elle savait qu'elle n'en ferait rien. Bien entendu, elle s'en irait pour une après-midi parcourir les rues d'Argenta, puis, comme toujours, elle rentrerait à la maison. Que pouvait-elle faire d'autre après tout ? elle n'avait ni désir d'aventure, ni soif de savoir, vouloir sortir de chez soi ne suffisait pas lorsque l'on avait ni rêve, ni ambition. Là, dans sa tour d'ivoire, elle possédait tout. Jamais elle ne pourra de faim, toujours on l'a traitera avec respecter.

Cette année, Sibylle s'était risquée à fuguer par son balcon. Alors que seule la lune veille, la demoiselle quitter sa chambre encore habillée en nuisette et explorer les recoins de la nuit. La première fois, ses pas s'arrêtèrent à la pelouse. La suivante, elle alla jusqu'à effleurer les grilles du portails. Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une nuit, elle finit atteindre le musée.